Quelques notes sur les cloches
En ce moment le son des cloches des églises, écoles, hôpitaux et leur histoire sont recensés sur notre territoire par Hugues LAULIAC et ses collaborateurs.
« Quelques notes sur les cloches », par Gilles Gracineau
Origine
« La cloche (du celtique clocca, passé dans le latin où il a supplanté signum) est, selon la Journal La Croix du 2 janvier 2009, l’un des plus anciens instruments sonores. Elle a dû apparaître dès le moment où, grâce à l’usage du feu, l’homme a pu suffisamment maîtriser la technique de l’argile pour fabriquer des vases « sonores » par résonance. Les plus anciennes cloches en métal datent de l’âge du bronze.
C’est à partir du Ve siècle que la cloche apparaît pour rythmer la vie quotidienne dans les monastères, à la place du simandre (plaque de bois frappée avec un maillet). Les cloches se généraliseront dans les églises à partir de Charlemagne, mais il faut attendre le XIIIe siècle pour que les progrès de la technique permettent d’en fondre de grande taille : ainsi le bourdon de la cathédrale de Reims, fondu en 1570, qui pèse 11,5 tonnes.
Le « Rational » médiéval de Guillaume Durand associe la dureté du métal à la force du prêcheur. La percussion du battant rappelant que le prédicateur doit se frapper lui-même pour se corriger. De plus le joug qui supporte l’instrument évoque la croix du Christ tandis que la corde qui lui est attachée symbolise la juste compréhension des Écritures qui découle du mystère de la croix.
Du fait de l’organisation du territoire en paroisses (divisions administratives de base de la société d’Ancien Régime), « l’esprit de clocher » cristallise les deux dimensions de l’institution ecclésiale, à la fois autorité spirituelle et autorité sociale et temporelle. Comme le soulignait Gabriel Le Bras, « le clocher est le symbole même de la paroisse et sa personnalité ». Le clocher, symbole de l’Eglise, résume la communauté des croyants, des individus. » (« La Croix » du 2 janvier 2009)
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les cloches sont pour l’Eglise une personne qui convoque et qui appelle pour réunir la communauté en vue de la prière. C’est pour cela que les cloches sont baptisées comme est baptisée une personne. Elles sont trempées dans la vie du Christ pour rassembler les brebis de la communauté comme les brebis dispersées. Elles sonnent en effet dans un campanile à l’extérieur de l’édifice pour offrir leur son à qui veut prêter l’oreille aussi bien la brebis familière de l’enclos que la brebis errante. En somme, muette de paroles, elle fait signe de manière libre et respectueuse de toute liberté. La cloche, dans son rôle symbolique, propose le rassemblement sans s’imposer. Une belle image de Jésus parcourant maisons, villes et villages, offrant sa parole
Les noms de parrains – marraines sont gravés dans le bronze pour rappeler à tous les chrétiens leur solidarité et leur volonté de répondre au signal de la sonnerie convoquant à la prière. Les dates de baptême sont bien sûr gravées dans le bronze. Ainsi les cloches sont des relais dans l’histoire d’une Paroisse, d’une communauté humaine.
Les cloches sont les témoins des évènements familiaux.
Lors de la douleur de la perte d’un être cher, le glas ouvre la porte de l’église au défunt, et la volée, au sortir de la célébration de la victoire du Christ sur la mort, annonce à tous vents la puissance du Ressuscité., tandis que le cortège marche vers le cimetière-lieu du repos,
Lors des grandes joies comme la naissance ou le mariage la volée fait partager le bonheur d’une famille à toute la communauté humaine. C’est dire combien les Cloches contribuent à renforcer le lien social, la maison commune.
Et lorsque la maison commune risque de se fracturer en raison d’un sinistre ou d’une guerre, les cloches sonnent le tocsin pour mobiliser, rassembler en vue de faire face à une situation dramatique. L’accès aux cloches des édifices affectés exclusivement au culte est nécessairement ouvert aux responsables civils de la cité.
Les cloches sont dialogales. Par elles quelqu’un nous parle, une altérité s’offre au village à la commune, comme une parole qui viendrait d’ailleurs, d’une transcendance. Nous ne sommes plus seuls. Si la cloche ne sonne plus alors ont dit « la commune est morte ». Nous sommes plongés dans la mort, livré à une solitude collective. Cette perception de type religieux empêche toute remise en cause sérieuse de l’activité du campanile.
L’angélus reste sensible même si notre société sécularisée oublie Dieu, même si les paroles de l’angélus ne montent plus au cœur. Mais Dieu continue, comme dit le concile Vatican II d’entretenir une « conversation » avec l’humanité par son envoyé Jésus venu en notre chair. A chaque Angélus c’est l’évocation de la « Parole faite chair » dans le corps de Marie pour converser avec l’humanité et donner à toute vie l’horizon d’une plénitude d’amour. La musique de la cloche de l’angélus dit ce mystère de l’existence humaine. L’« angélus de Millet », un tableau célèbre qui évoque un instant de prière au milieu des activités quotidiennes, continue de nous parler, parce qu’il interroge une société productiviste qui risque d’oublier la gratuité, l’espace du silence, du recueillement, de l’intériorité.
Dans les monastères la cloche règle la liturgie des heures et par là elle invite chaque moine ou moniale à vivre la « Règle » du monastère à laquelle il s’est soumis librement. La cloche rappelle à l’obéissance dans le travail, la prière ou le repos. La cloche joue un rôle mystique dans la vie monacale.
Les cloches dans les écoles. Des cloches sans
baptême existent bien sûr ; ainsi celles des écoles. Elles donnent le rythme de la vie scolaire, donnant la journée scolaire un cadre temporelle formateur d’enfants et de jeunes devant apprendre des règles de vie structurante en vue d’une vraie liberté. La cloche d’une école fait partie de l’éducation. Son activité est d’autant plus parlante que le maître d’école agite lui-même la cloche.
Gilles Gracineau